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slobodan despot - Page 4

  • Pandémie et post-démocratie...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Slobodan Despot au site Strategika, et consacré à la crise du Coronavirus. Éditeur, directeur de la lettre hebdomadaire Antipresse, Slobodan Despot a, notamment, publié deux romans, Le miel (Gallimard, 2014) et Le rayon bleu (Gallimard, 2017).

     

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    Pandémie et post-démocratie – entretien avec Slobodan Despot

    Strategika : On lit beaucoup d’éléments contradictoires selon les différentes sources d’information disponibles ou selon les avis des professionnels de la santé. Quelle est la réalité effective de cette pandémie selon vous?

    Slobodan Despot. Qu’est-ce que la réalité effective d’un phénomène et comment la saisir dans cette confusion? On connaît très bien le paradoxe des guerres: le soldat en première ligne ne voit que ses cent mètres de front. Il ne sait pas s’il s’agit d’une bataille dantesque ou d’une escarmouche, sinon par les nouvelles que lui transmet sa hiérarchie. Laquelle ne lui transmet que qu’elle a besoin qu’il sache.

    Nous nous trouvons dans la situation de ce soldat, à une nuance près: l’état-major, en théorie, est aussi exposé que nous (même s’il a des brancardiers de piquet dans le couloir), et il n’est pas sûr qu’il ait une meilleure vision du front. Plus exactement, on est fondé à penser que sa vision est brouillée par la superposition de deux angles de vue qui se déforment mutuellement: d’une part, le tableau de l’épidémie en soi; de l’autre, sa projection utilitaire.

    De même que les guerres servent souvent à régler des problèmes de politique intérieure au prix de vies cyniquement sacrifiées, de même cette épidémie tombe à pic comme alibi d’un faisceau de mesures suspendues en l’air et qui attendaient leur heure. Faisceau (je n’utilise pas le mot au hasard) qu’on peut ramener à un constat simple: la parenthèse démocratique est terminée!

    Ce brouillage, aggravé par le bombardement émotionnel, est si généralisé qu’on est tout étonné de voir passer encore des analyses strictement ancrées dans la réalité de la chose. Ainsi le pathologiste britannique John Lee, dans une remarquable tribune du Spectator (à paraître en traduction française ce dimanche dans l’Antipresse) s’interroge sur la létalité réelle du coronavirus, une fois dégagée de la dramatisation médiatique et — hypothétiquement — isolée du «parasitage» statistique des morts de la grippe, de pathologies diverses ou simplement… de vieillesse. En un mot: dans quelle mesure meurt-on du coronavirus, dans quelle mesure meurt-on avec? Tant qu’on n’aura pas un aperçu de ces données de base, nous serons dans la manipulation de la peur:

    «Une grande partie de la réaction à Covid–19 semble s’expliquer par le fait que nous surveillons ce virus d’une manière qui n’a jamais été observée auparavant. Les scènes des hôpitaux italiens ont été choquantes, et font de la télévision un lieu sinistre. Mais la télévision n’est pas une science.»

    Nous avons observé un phénomène d’ampleur équivalente, mais de bien moindre intensité, avec la grippe A (H1N1). Au printemps 2009, j’avais repéré sur Agoravox les chroniques d’un pharmacologue français, Bernard Dugué, qui relevait les incohérences de la communication officielle — OMS comprise — sur cette épidémie naissante qui, déjà, promettait de faucher le quart de l’humanité. Si elle est si terrible, observait Dugué, pourquoi n’entreprend-on aucune des mesures connues et établies pour l’endiguer? De cette chronique, nous avons fait un livre. A la rentrée 2009, H1N1, la pandémie de la peur était l’unique ouvrage, sur les 38 titres consacrés à ce sujet dans l’édition française, à dédramatiser la pandémie. Pour ma part, j’étais intuitivement et rationnellement convaincu de l’issue et mon comportement libre, à l’époque, avait suscité des réactions d’une surprenante agressivité (mais qui, du moins, ne pouvaient encore s’adosser à un dispositif policier).

    Dugué avait évidemment raison au vu des résultats, pratiquement indiscernables dans le tableau général de la mortalité en 2009–2010. Personne ne l’en a remercié, bien entendu. On avait l’impression que l’issue relativement bénigne de cette pandémie avait déçu bien du monde. La «soif d’apocalypse», ai-je pu observer alors comme aujourd’hui, imbibe l’inconscient collectif de notre temps.

    Comparaison n’est pas raison, le COVID_19 semble plus vicieux et plus insaisissable à la fois, mais les parallèles demeurent et ils sont éclairants. Pourquoi cette antinomie, dans les gouvernements occidentaux, entre d’une part la propagation de la panique et l’intimidation martiale, et d’autre part la cautèle, la lenteur et l’ineptie dans le traitement concret? L’affaire Didier Raoult en est un exemple éclatant.

    On a l’impression que H1N1 fut, en effet, un ballon d’essai, mais qui aura surtout servi à… ne rien entreprendre. Sinon à peaufiner la communication et affaiblir les structures de défense collectives au profit du seul pharma-business.

    Cette pandémie précède-t-elle un effondrement économique et systémique?

    Je ne suis pas économiste, mais je dirais plutôt qu’elle l’accompagne ou qu’elle le camoufle. De bulle en bulle, ce système en était arrivé à de telles tensions, à un tel écart entre la réalité concrète et ses représentations, qu’un effondrement était inéluctable. D’une certaine façon, nous assistons à l’aboutissement global d’une expérience initiée simultanément, voici un demi-siècle, des deux côtés du Rideau de Fer et qui s’est brutalement arrêtée à l’Est voici trente ans avec l’effondrement de l’URSS. C’est ce dédoublement de la réalité en simulacre total et conscient que l’anthropologue Alexei Yourtchak a appelé l’hypernormalisation — concept dont le cinéaste britannique Adam Curtis a tiré un film documentaire saisissant. Pour faire court, les élites dirigeantes, ayant compris que le système était inéluctablement voué à la désagrégation, n’ont pas eu la force ou le courage d’essayer de le réformer, mais se sont uniquement soucié de prolonger le statu quo. Pour s’acheter ce sursis, elles ont construit un monde parallèle, un immense «village Potemkine» à vocation sédative.

    «Politiques, financiers et utopistes technologiques, résume Curtis, plutôt que de faire face aux complexités du monde, ont battu en retraite. Au lieu d’affronter la réalité, ils ont construit une version plus simple du monde.» L’intelligentsia «créative» — média, art, cinéma — leur a emboîté le pas et l’alliance du pouvoir financier avec l’utopie informatique a rapidement fourni à cet hologramme des moyens techniques et matériels illimités. On allait presque oublier que ce monde idéal, gouverné par les bonnes intentions et la bien-pensance, où des minorités infimes de population reçoivent davantage d’attention et de protection que la majorité laborieuse, ne pouvait rester en lévitation indéfiniment.

    Nous ne sommes pas loin du scénario de Matrix, sauf qu’ici les protagonistes sont bien réels. On croise d’ailleurs, à l’aube même de cette vaste falsification un jeune requin de l’immobilier new-yorkais du nom de Donald Trump. Mais voyez plutôt le film. [1]

    Plus de 3 milliards de personnes sont appelées à se confiner dans le monde. Pour la première fois de son histoire, l’humanité semble réussir à se coordonner de manière unitaire face à un ennemi global commun. Que vous inspire cette situation?

    Elle évoque bien entendu le souvenir de tous ces films de science-fiction où seule une invasion venue de l’espace, ou la menace d’un astéroïde géant, parvient à nous faire surmonter nos divisions et à faire front commun. On peut aussi dire, d’un point de vue moins romancé, que la suprasociété globale est de plus en plus homogène. Il ne se trouve aucune autorité, dans aucun pays, à évaluer par exemple cette épidémie à l’aune de ses problèmes sociaux et sanitaires prioritaires et à intégrer le risque qu’elle représente dans un tableau global de la mortalité non naturelle. Dans un pays comme l’Inde où les vieux et les malades meurent dans les rues des grandes villes sans que personne ne s’en soucie, voici qu’on réprime les infractions à la «distanciation sociale» avec la dernière rigueur. Même en Syrie, on verra les hommes en treillis s’entremitrailler avec des masques sur le nez.

    Tout cela a quelque chose d’irréel, comme si l’humanité entière jouait une pièce sur la pandémie. Tous les pouvoirs, quels qu’ils soient, se sentent tenus de payer leur dîme à la narration imposée, quitte à la contourner ou la détourner selon leurs intérêts locaux. La nature stéréotypée de la réaction montre que ces pouvoirs sont très largement unifiés à l’échelle globale. Les exceptions sont rarissimes. Par exemple, certaines Églises orthodoxes rappelant que les nourritures consacrées de la communion ne peuvent par définition être porteuses de maladies. Dans le climat actuel, une telle hérésie risque de leur valoir le bûcher.

    Cette pandémie va-t-elle forcer l’humanité à se doter d’un gouvernement mondial comme le préconisait Jacques Attali lors de la pandémie de grippe A en 2009?

    La réponse est dans la question. «L’humanité», tout d’abord, qui est-ce? Que veut-elle? Si vous imaginez un référendum sur la question en temps normal à l’échelle des quatre milliards de citoyens en âge de voter, la réponse sera certainement cacophonique. Aujourd’hui, si vous leur posez la question de manière adéquate — par exemple: «Acceptez-vous un gouvernement mondial qui organise une lutte efficace contre la pandémie et vous assure une levée du confinement sous deux semaines», vous aurez 99 % d’adhésion. Pour ceux qui ne pensent qu’à ça, qui n’œuvrent qu’à ça et qui y voient un intérêt concret, c’est la meilleure fenêtre de tir depuis la Grande Peste.

    Concrètement, l’ensemble de l’humanité se retrouve aujourd’hui en Corée du Nord, à obéir du matin au soir sans rien attendre en retour que la miséricorde d’une simple survie. La population de Corée du Nord est-elle en mesure de «se doter» de quoi que ce soit qui ne lui soit pas imposé?

    En 2009 toujours, Jacques Attali expliquait que «l’Histoire nous apprend que l’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur». Que vous inspire cette idée?

    Il a raison. La masse effrayée court effectivement bien plus vite que des individus prévenus et sceptiques. La question est de savoir vers quoi. Nous avons l’exemple édifiant des lemmings.

    Comment voyez-vous l’évolution de la pandémie et ses conséquences politiques et sociales dans les semaines à venir?

    Tout dépend des pays. En France ou en Suisse, je vois une levée du confinement au plus tard début mai, faute de quoi c’est une pandémie plus grave — violences, dépressions, suicides et troubles sociaux — qui prendra la relève. Les gens préféreront affronter le virus que la famine ou l’extermination conjugale. En Suisse, où les milieux économiques ont manifestement (quoiqu’en coulisses) pris en main les rênes, je pense que l’instant du «break even» sera rapidement déterminé et qu’on tentera une sortie «en douceur», par exemple en filtrant la population et déconsignant les valides, immunisés ou testés négatifs. En France, l’ineptie du pouvoir et l’existence de «zones de non droit» me font penser que l’issue sera plus aléatoire. Il est beaucoup plus aisé de prononcer le confinement que de le lever. Il suffit d’un coup d’œil sur les réseaux sociaux pour entendre gronder la colère, souvent irrationnelle, contre les autorités. Si vous enfermez votre meute dans un chenil, que vous l’affolez de peur et que vous ne lui accordez pas les soins minimaux, il vous faudra tirer la clenche du portail avec une très longue ficelle.

    D’un autre côté, si la pandémie ne tient pas ses horrifiques «promesses», je pense que cette mesure extrêmement brutale qu’est le confinement ne tiendra pas. L’été arrive. L’humain fera n’importe quoi pour accéder à l’air libre. Même à Londres sous les V2, la vie continuait. Mais peut-être essaie-t-on justement de remplacer cet animal trop dégourdi et trop gourmand en espace vital par une espèce mieux calibrée? Pour cela, il faudra accélérer la fabrication de drones et de dobermans robotiques pour remplacer les garde-chiourme encore trop humains. Méditons sur l’ultime mise en garde de Julian Assange parlant d’une «vile poussière intelligente» imprégnant toute notre vie grâce aux nanotechnologies (relayées demain par la 5G et l’«internet des objets»). C’était son dernier message d’homme presque libre, juste avant qu’on lui coupe l’internet.

    Existe-t-il une issue politique à la situation que vous venez de décrire et quelle forme pourrait-elle prendre selon vous?

    Je pense, et j’espère, qu’il n’existe pas une issue politique à cette crise, mais une palette d’issues, déterminées selon les circonstances locales et les rapports gouvernants-gouvernés locaux. La seule issue unique consisterait en ce fameux gouvernement mondial que la suprasociété appelle de ses vœux. Et encore, à voir comment les instances supranationales «gèrent» les crises, on peut se demander en quoi cette concentration de pouvoirs serait plus salutaire que les piteux gouvernements en place.

    J’observerai, ceci dit, que la notion même de politique implique un substrat humain et social en tout point opposé à l’ingénierie sociale que la crise actuelle cherche à imposer. Depuis la Deuxième guerre mondiale, comme l’a montré un Pierre Legendre, la société technologique globale évolue vers un «Empire du management» où la politique ne joue plus qu’un rôle ornemental. Toutes les contraintes environnementales, climatiques, «sociétales» et «genderiques» qu’on nous impose ces dernières années achèvent de transférer des pans entiers du champ ouvert de la politique vers la zone fermée et intangible de la nécessité et du tabou moral. Le bac à sable de la politique, dans le monde d’avant le confinement, se résumait à de vaines querelles de personnes et à des enjeux subalternes, avec un personnel d’une sidérante petitesse. Comment pouvait-on à la fois se laisser acheter pour deux costumes et prétendre manier le feu nucléaire? Dans bien des cas, la «carrière» politique était devenue l’équivalent social de l’entrée dans les ordres sous l’Ancien régime: une voie de garage pour les cadets de famille, les veules et les surnuméraires. Il n’est qu’à voir la morgue avec laquelle les ingénieurs (managers, financiers, technologues et juristes) considèrent les «politiques» pour comprendre le divorce de ces deux castes et la dégénérescence qu’il recouvre.

    Comment liez-vous la crise actuelle à votre domaine d’expertise et votre champ de recherche?

    D’une certaine manière, la crise est mon domaine d’expertise et de préoccupation, que ce soit en tant qu’éditeur et journaliste ou en tant qu’écrivain. Le choc de l’éclatement provoqué de mon pays natal, la Yougoslavie, a changé le cours de mes études, l’orientation de mes pensées et de manière générale toute ma vie.

    Mon premier roman, Le Miel, a pour théâtre les décombres encore fumants de la Yougoslavie. Le deuxième, Le Rayon bleu, traite de la rarissime prise de conscience effective de la menace d’une extinction nucléaire. La crise actuelle n’est que l’aboutissement inéluctable de processus connus et amplement décrits. D’un point de vue spirituel, elle est inscrite de toute éternité — disons pour simplifier comme une des étapes finales du Kali Yuga, cet âge de fer où le monde se vide littéralement de sa substance comme par une blessure ouverte pour succomber au règne morbide de la quantité.

    L’âge où nous sommes n’a été capté dans son essence que par les visionnaires et par ces médiums sociaux que sont les grands écrivains. De même que Dostoïevski avait décrit le bolchevisme dans sa nature démoniaque un demi-siècle avant la Révolution d’octobre — et un bon siècle avant que le rideau de cette colossale illusion finisse par se déchirer —, de même un C. S. Lewis avait dépeint avec minutie la simplification mécaniste de l’humain et le putsch des gestionnaires dans sa Trilogie cosmique (1938–1945), en particulier dans sa dernière partie, Cette hideuse puissance. Sans oublier sa prophétie très précise de l’Abolition de l’Homme non par des régimes totalitaires, ni par des cataclysmes, mais par des messages anodins diffusés par d’insipides manuels scolaires qui, goutte à goutte, subliminalement, en «déconstruisant» nos mythes et notre «irrationalité», ont fait de nous ces êtres frémissants tapis au fond de leurs clapiers et mendiant la survie. L’homme se distingue justement du bétail en ceci qu’il refuse la survie à n’importe quel prix.

    Je n’ai pas de domaine d’expertise. Je dirais même qu’au stade où nous en sommes l’expertise nous égare alors que la conscience universelle nous sauve. Nous avons besoin de connaissance, toujours, mais aujourd’hui nous avons surtout besoin d’âme et de cœur, autrement dit de vertu au sens antique. Si nous rampons vers la termitière, ce n’est pas seulement qu’on nous y pousse: c’est que nous sommes des termites.

    Mon champ de recherche s’apparente à la déambulation de Diogène avec sa lanterne. Je traque l’homme derrière l’«individu» et le «citoyen», je l’interroge et le provoque, et je l’encourage à se hisser au-dessus des rôles qu’on lui fait endosser. C’est tout le sens de l’Antipresse, ce projet qui m’occupe depuis quatre ans, et qui n’est rien d’autre qu’une messagerie où les humains parlent aux humains.

    Slobodan Despot (Strategika, 4 avril 2020)

     

    Notes :

    [1] Pour plus de détails, je renvoie à mes textes «Pourquoi il ne se passe rien (1/2)», Antipresse 101 | 05/11/2017, «Pourquoi il ne se passe rien (2/2)», Antipresse 102 | 12/11/2017.

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  • Voir au-delà de l’épidémie...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de Slobodan Despot consacrée à l'épidémie de Coronavirus et à sa suite. Éditeur, directeur de la lettre hebdomadaire Antipresse, Slobodan Despot a, notamment, publié deux romans, Le miel (Gallimard, 2014) et Le rayon bleu (Gallimard, 2017).

     

                                         

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  • Géopolitique de la BD...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°183, avril 2020 - mai 2020) est en kiosque !

    A côté du dossier consacré à la bande-dessinée, on retrouvera l'éditorial d'Alain de Benoist, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés et des entretiens, notamment avec le prix Nobel d'économie Angus Deaton, le philosophe Dany-Robert Dufour, l'historien et analyste militaire Michel Goya, le sinologue François Julien et le contre-cool Pierre Robin, ainsi que les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin, de Ludovic Maubreuil, de Fabien Niezgoda, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers, d'Yves Christen et de Bastien O'Danieli...

    Bonne lecture !

    Vous pouvez commander ce numéro ou vous abonner sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com.

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    Au sommaire :

    Éditorial

    Halte à la transparence, par Alain de Benoist

    L’entretien

    Dany-Robert Dufour : « Nous allons vers le chaos » , propos recueillis par Thomas Hennetier

    Cartouches

    Roland Jaccard est mince, le regard d’Olivier François

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    1917, la guerre comme dans un jeu vidéo, par Ludovic Maubreuil

    Carnet géopolitique : Coronavirus, l’extension du contrôle social, par Hervé Juvin

    À la Saint-Crépin, les Français voient leur fin, par Laurent Schang

    Les leçons de Delphes (4/4) : la gestion du commun, par Fabien Niezgoda

    Le rhinocérat, par Bruno Lafourcade

    Économie, par Guillaume Travers

    Bestiaire : une même conscience du corps chez le chien, l’éléphant et l’homme, par Yves Christen

    Sciences, par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées

    Le « privilège blanc » à l’épreuve des faits, par François Bousquet

    Angus Deaton, l’agonie de la classe ouvrière blanche, propos recueillis par Guillaume Travers

    Les viols de masse en Grande-Bretagne, par François Bousquet et Thierry Dubois

    La France de Johnny et la France de Marine, par François Bousquet

    Portfolio : Le peuple jaune dans les rues de Paris

    Connaissez-vous la bourgeoisie blanquette de veau ? par François Bousquet

    Vincent Lapierre au cœur de la guérilla médiatique, propos recueillis par David L’Épée

    Xavier Eman, une fin du monde très importante, par Jean Ernice

    Michel Goya, l’avenir de la guerre, propos recueillis par Laurent Schang

    François Jullien, le détour par la Chine, propos recueillis par Claude Chollet

    Le prince et l’idiot, psychologie de l’enfant unique, par Christophe A. Maxime

    Patrick Eudeline et Nicolas Ungemuth : la chanson française ? propos recueillis par Nicolas Gauthier

    Pierre Robin, l’homme qui n’a jamais voulu être cool, propos recueillis par Olivier François

    De l’usage du tatouage dans la société du spectacle, par Marie Chancel

    Dossier

    Géopolitique de la bande dessinée

    François Pernot : les mangas et les comics vont-ils tout écraser ? Propos recueillis par Guillaume Travers

    Monsieur le chien, un provocateur à poil dur, par David L’Épée

    Jean-Christophe Delpierre : l’Umour au temps de Macron, propos recueillis par David L’Épée et Pascal Eysseric

    L’érotisme discret de la bande dessinée franco-belge, par David L’Épée

    Les 19 bandes dessinées préférées d’Éléments, par la rédaction

    Tintinophiles, tintinologues, tintinopathes… , par Fabien Niezgoda

    Olrik, l’interrogatoire secret, un document pour l’histoire, par Jean-Jacques Langendorf

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Reconquête : le grand défi du coronavirus, par Slobodan Despot

    Un païen dans l’Église : l’ours cordé de Saint-Lizier en Ariège, par Bernard Rio

    Séries télé & politique : The Capture, par Pascal Eysseric

    L’anti-manuel de philosophie : la raison suffit-elle à connaître le réel ? par Jean-François Gautier

    L’esprit des lieux : Dresde sous les bombes, par Hélène Meyer

    C’était dans Éléments : lire Rabelais avec Michel Ragon, propos recueillis par Sophie Massalovitch

    Éphémérides

     

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  • Les snipers de la semaine... (191)

     

     

     

    Au sommaire cette semaine :

    - sur Antipresse, Slobodan Despot prend dans sa lunette l'emprise de la technologie sur nos vies...

    Le (tout) grand remplacement, ou l’Age de Fer

    kuratas_robot.jpg

    - sur son site Huyghe.fr, François-Bernard Huyghe mouche les errements des discours dominants...

    Matzneff : du branché au pendable

    Pivot_Matzneff.jpg

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  • À quoi servent (encore) les médias de grand chemin ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de Slobodan Despot devant le Cercle Pol Vandromme à Bruxelles, consacrée aux nouveaux médias en ligne. Éditeur, directeur de la lettre hebdomadaire Antipresse, Slobodan Despot a publié deux romans, Le miel (Gallimard, 2014) et Le rayon bleu (Gallimard, 2017).

     

                                   

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  • Climatotalitarisme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Slobodan Despot, cueilli sur Antipresse et dans lequel il évoque l'utilisation de la question climatique par le système. Éditeur, directeur de la lettre hebdomadaire Antipresse, Slobodan Despot a publié deux romans, Le miel (Gallimard, 2014) et Le rayon bleu (Gallimard, 2017).

     

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    Climatotalitarisme

    J’aime me réfugier au fin fond du val d’Hérens, dans sa veinule la plus reculée. Au-delà d’Arolla, il n’y a que la roche, les glaces et le ciel. Sous nos pieds, le grondement imperceptible des eaux collectées par la Dixence, le plus majestueux barrage du monde et, au bout du bout, la masse divine du Mont Collon, le Kailash des Alpes. De temps à autre, des corniches gelées s’effondrent vers la vallée avec un fracas de tremblement de terre.

    J’ai observé depuis une dizaine d’années le reflux constant du glacier qui permet au promeneur ordinaire que je suis de s’avancer toujours plus loin sans crampons ni piolets. Mais je découvre aussi que la fonte met à jour de curieux vestiges: tronc d’arbre à 2500 mètres, objets fabriqués de main d’homme et même, paraît-il, des restes de charrues. Preuve que là où nous ne voyons que des surfaces blanches immaculées passaient jadis des chemins, à sec. À une certaine époque, vers la fin du Moyen Âge, les vallées latérales de la haute vallée du Rhône communiquaient entre elles par la source et non par l’embouchure, par ces plaines lunaires où passe aujourd’hui la Patrouille des Glaciers. Le grand été du XIIIe siècle était beaucoup plus chaud que ceux que nous connaissons aujourd’hui. Il aurait, selon certains, contribué à la formidable expansion de la civilisation européenne.

    Une urgence vieille comme le monde

    Les variations climatiques sont la respiration même de cet être vivant qu’est la Terre. Les hommes d’avant l’ère industrielle n’en avaient même pas conscience. Ils n’avaient ni les moyens ni l’idée de s’y intéresser. Les cataclysmes naturels se cristallisaient dans les temps mythiques de la tradition. Le souvenir du Grand Déluge, par exemple, est commun pratiquement à toute l’humanité.

    Notre expérience du réchauffement climatique est essentiellement médiatisée. Nous n’y accédons que par des moyens verbaux, non par expérience directe (comme ce serait le cas, par exemple, lors d’un tsunami ou d’une inondation). Les bizarreries du temps, les canicules ou les tornades, sont des calamités vieilles comme le monde. Il n’y a plus de saisons et les nouvelles générations ne savent plus se tenir: on vous le dit et le répète depuis la nuit des temps. Des esprits malveillants ont repéré au moins trois grandes campagnes de mise en garde contre le désastre climatique imminent au cours du XXe siècle.

    Qu’on ne s’y trompe pas: ceci n’est pas un manifeste climatosceptique. Rien qu’en nous fondant sur notre mémoire personnelle d’adultes, nous remarquons que quelque chose cloche dans le climat. Quelle est la part du facteur humain dans ce changement? Personne à ce jour n’a pu la chiffrer, mais la bataille la plus enragée se livre, évidemment, entre les insouciants défenseurs du 0% et les prédicateurs fanatiques de la culpabilité totale. Ceux-ci taxant d’irresponsabilité quiconque se permet de relativiser leur dramaturgie.

    En attendant «Mad Max»

    Dans mon for intérieur, l’esprit et l’âme s’achoppent sur ce dilemme. Rationnellement, je pense que l’activité humaine est un pet d’écureuil au regard des facteurs cosmiques tels que l’activité solaire ou les cycles de Milanković. Ayant participé jadis à la traduction du résumé technique du GIEC — en ayant reçu quelques notions de logique et de rhétorique — j’ai cru m’apercevoir que ce texte de référence était affecté dans ses raisonnements d’un biais pessimiste peut-être délibéré: pratiquement à chaque embranchement de probabilités, il semblait pencher pour l’option du pire, même lorsqu’elle était statistiquement minoritaire. Le GIEC anxiogène des années 2000 aurait-il vu tout juste, renoncerions-nous d’un seul coup aux carburants fossiles, que cela ne dévierait pas de beaucoup le cap du Titanic. Nous sommes des milliards d’animaux frêles sans fourrure ni carapace, notre simple survie avec les accessoires qu’elle implique est un fardeau pour l’écoumène, dussions-nous retourner dans les cavernes.

    Or cette régression, loin de nous sauver, serait sans doute pire. La conscience environnementale, et les améliorations concrètes à notre empreinte écologique qu’elle peut induire, sont le propre des sociétés industrielles avancées — dans la mesure où il n’existe plus rien d’autre que des sociétés industrielles, différenciées uniquement par leurs stades de développement. Même Theodore Kaczynski, dit Unabomber, le premier écolo-terroriste et ennemi juré de la société industrielle, admet que le retour de l’homme moderne à la vie primitive est une dangereuse illusion. L’humanité corsetée de principes de service et d’abnégation des siècles passés n’a jamais réussi à entreprendre quoi que ce soit de concerté, on voit mal comment la masse ivre d’ego et de jouissance du XXIe siècle pourrait s’accorder ne fût-ce que sur le ramassage des cartons autrement que par une contrainte féroce. Et encore.

    La raison me pousse donc à promener ma Saab cabrio vintage en attendant avec philosophie ce moment de bascule (l’instant «Mad Max») où les «bonnes intentions» s’effaceront devant la nécessité et la loi du plus fort et où, selon Pierre-Henri Castel (1), l’humanité acculée sortira de son coma de Belle au Bois dormant et sera contrainte d’agir concrètement, pour le mal ou pour le bien.

    Sauver l’humain avant le climat

    Ça, c’est ce que me dit ma tête. Mais mon âme, elle, chante une autre chanson. Au fond de moi-même, je préfère considérer que la menace climatique existe, qu’elle est fatidique et que je peux agir pour la combattre. Je préfère cette position parce qu’elle fait de moi un être plus affûté, plus sobre et peut-être meilleur. J’en reviens à Unabomber. Dans son fameux manifeste, il ne pose pas l’industrialisation comme une menace pour l’environnement, mais d’abord comme une menace pour l’humain. Il n’est pas le premier à le clamer. Son œuvre, si bizarre qu’elle soit, peut être lue comme une synthèse simplifiée des vues des grands précurseurs de l’écologie comme Ellul, Illitch ou Anders (2). La société industrielle, dit-il (disent-ils) est nocive en premier lieu pour la structure psychique de ses membres. Hypersocialisée, hypernormée, hypernivelée, elle ne satisfait pas le moi, mais creuse un trou noir dans le noyau même de l’être, là où se logent ses raisons de vivre et d’agir. L’individu réduit à sa fonction décrit dans les Hauteurs béantes de Zinoviev, ce n’est pas seulement l’homo sovieticus, c’est l’homme moderne tout court. Ce vide béant en lui-même, l’homme sécularisé, privé de recours à la transcendance, s’efforce de le remplir par la bâfrerie, l’agitation et les mille faux appétits élaborés par la stimulation publicitaire où il baigne chaque jour de sa vie.

    Ainsi donc, mon fatalisme rationnel est contrebalancé par mon volontarisme spirituel. Nous n’arriverons peut-être pas à sauver la planète, mais poursuivre dans cette grande bouffe de la consommation globalisée, avec l’abrutissement effarant et la solitude qu’elle induit, c’est de toute façon laid, stupide et suicidaire. Il n’est de toute façon pas humain de vivre ainsi. Notre système nous conduit plus vite à la destruction de l’humain qu’à celle de son environnement. Et l’apparition récente d’antisystèmes violents, comme l’islam régressif, n’est peut-être qu’un symptôme de rejet collectif, inconscient, de cette aliénation. Il est d’autant plus urgent de sortir de la société industrielle par le haut et non par le bas.

    Dans ce but, l’angoisse écologique apparaît non comme une «cause» ou un «engagement», mais comme une mise en garde psychique, un «memento mori». Elle est la tête de mort posée sur un coin du bureau, le rappel dramatique de la finitude de notre condition. Les ressources de ce monde sont limitées, il faut les vénérer plutôt que de les dilapider, car nous n’avons pas de planète de rechange. Cette prise de conscience invite, comme toute doctrine aristocratique, à la retenue et au sacrifice. Elle n’est efficace qu’à l’échelle du nombre, mais s’adresse à chaque individu en particulier.

    La nouvelle machine à dominer

    Vais-je donc adhérer au parti écolo — ou à l’un de ses nombreux clones brusquement repeints en vert par démagogie électoraliste? Certainement pas. Comme les vertus chrétiennes, la conscience cosmique se transforme en massue sitôt qu’elle devient idéologie. Du jour au lendemain — c’est particulièrement frappant lors des actuelles élections fédérales en Suisse — on a vu les promoteurs du développement illimité se transformer en bigotes du «bio» sans même prendre la peine de lisser leurs contradictions. La rapidité et le cynisme de cette volte-face ont quelque chose d’effrayant. Ils montrent à quel point ces gens étaient creux et dénués de toute conviction propre. A quel point leur mentalité de girouettes est éloignée de toute œuvre silencieuse et durable, prérequis de toute interaction avec la nature. Ce sont eux, ces tourne-veste, qui signeront demain les ordres d’internement des climatosceptiques et non les écologistes de conviction, qu’ils auront dévorés au passage.

    Dans une analyse inspirée des élections fédérales, Jacques Pilet dépeint ce «brouillard vert», son fonctionnement et sa raison d’être en énumérant tous les sujets concrets et urgents que l’hystérie climatique permet d’escamoter: Europe, libre circulation des personnes, retraites, santé, transparence, impôts. «Le bla-bla vert a enfumé les discours», résume-t-il. C’était bien le but!

    La lutte environnementale récupérée par le système est avant tout une opération de prise de pouvoir sociale et politique, se traduisant en premier lieu, bien entendu, par la levée de nouvelles taxes, la création de postes et de sinécures, l’intimidation des masses et le renouvellement de la suprasociété dirigeante, dont le vert sainte-nitouche est devenu la couleur de ralliement. L’idéologie climatotalitaire pose, comme le communisme marxiste, des buts évidemment irréalisables. Ses accomplissements sont aussi invérifiables que ses principes sont irréfutables. Ses engagements, entièrement abstraits. C’est une machine de domination parfaite. De quoi culpabiliser, tondre et rééduquer les pollueurs incurables que nous sommes pendant des décennies.

    Slobodan Despot (Antipresse n°204, 27 octobre 2019)

    NOTES
    1. Auteur de ce petit essai insupportable et revigorant de lucidité, Le Mal qui vient (voir «Le parfum revigorant de l’apocalypse», Antipresse n° 159).

    2. Et encore plus tôt, Ramuz dans Besoin de grandeur — mais Ted K. n’a sans doute jamais eu accès à cet écrivain génial.

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